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Labo : http://iramis.cea.fr/nimbe/lcmce/
A l’heure actuelle, les carburants proviennent à près de 90% des ressources fossiles. Non seulement ces ressources
restent limitées dans le temps et sont amenées à disparaître mais leur combustion entraîne également un relargage de
CO2 dans l’atmosphère, accélérant ainsi le réchauffement climatique. Une alternative serait d’utiliser comme
carburants des composés biosourcés, comme les acides gras contenant de longues chaînes carbonées (C4-C28) à l’instar
des dérivés du pétrole. Ces composés sont par exemple aujourd’hui transformés en leur esters méthyliques pour
donner le biodiesel (B100). Néanmoins, les fonctions oxygénées présentes dans ces molécules limitent leur utilisation
car elles leur confèrent souvent des propriétés physiques très différentes des alcanes classiquement employés (point
de fusion plus élevé, compatibilité limitée avec les moteurs actuels, stabilité chimique plus faible…). Désoxygéner ces
acides gras permettrait donc de pallier ces problèmes. Cette décarboxylation a pour le moment été étudiée
essentiellement en catalyse hétérogène ou avec des métaux supportés mais la réaction requiert dans ces conditions de
hautes températures, souvent de l’ordre de 300 °C, qui entraînent des réactions secondaires comme le craquage des
alcanes, la formation de charbon ou des isomérisations.[1]
Dans ce projet, nous nous proposons d’étudier cette réaction en catalyse homogène afin de réaliser la même réaction
en conditions plus douces et donc plus sélectives vis-à-vis de la formation d’alcanes à partir d’acides saturés comme
l’acide laurique (C12), l’acide palmitique (C16) ou l’acide stéarique (C18). Le recours à la catalyse homogène permettra
également de développer des conditions sélectives pour la décarbonylation (formation d’alcools) ou la désoxygénation
en alcènes de ces acides, permettant ainsi l’obtention d’alcools et d’alcènes biosourcés, deux transformations
représentant un plus grand défi compte-tenu de la thermodynamique défavorable.
Fort de son expertise en catalyse et en études mécanistiques, mais aussi grâce aux connaissances développées dans les
réactions de décarboxylation,[2] le LCMCE pourra mener à bien ce projet. Le laboratoire est en effet équipé pour travailler
sous atmosphère inerte avec des rampes de Schlenk sous argon et azote, ainsi qu’avec quatre boîtes à gants sous
atmosphère d’argon. La manipulation des gaz est possible soit à pression atmosphérique sur les rampes de Schlenk en
utilisant des bouteilles de gaz, à plus hautes pressions en système Fisher-Porter (pour des pressions jusqu’à 10 bars) ou
en autoclaves permettant d’atteindre des pressions de 180 bars et des températures de 250 °C. Les équipements
d’analyses incluent un appareil RMN 400 MHz multi-noyaux, un spectromètre IR, une GC équipée pour l’analyse des
gaz courants, une GC/MS (CO2, CO…) et une cellule électrochimique utilisable en atmosphère inerte. Les calculs DFT
seront réalisés grâce à une allocation annuelle de 500 000 heures scalaires sur les centres de calculs nationaux IDRIS et
CINES.
Ce projet pourra être mené en collaboration avec une équipe qui développe la fabrication et l’isolement d’acides gras
à partir de microalgues, nous permettant ainsi d’utiliser un intrant directement issu de la biomasse. La comparaison
avec d’autres méthodes comme la photodécarboxylation par des enzymes, développée au sein du CEA,[3] est également
un axe de développement de ce projet.
[1] Abdullah et al., Renewable and Sustainable Energy Reviews 2015, 42, 1223.
[2] Cantat, Audisio et al., J. Am. Chem. Soc. 2019, 141, 780 ; Imberdis, Thèse de doctorat Chimie Paris Saclay, 2019, 2019SACLS306.
[3] Beisson et al., Science 2017, 357, 903.