...La radiolyse de l'eau

DECEMBRE 1997 N° 17

Croissance d'un film de cuivre sur l'alumine :
de la maîtrise de la ‘‘surface propre’’ au mécanisme de la croissance

Les systèmes métal/oxyde sont massivement utilisés dans les technologies avancées. On les rencontre dans les produits industriels (catalyseurs, transistors à effet de champ, vitrages, ...) ainsi que dans le domaine plus restreint, mais très actif, des dépôts de couches minces.

Les surfaces d'oxydes isolants sont couramment utilisées comme supports de films minces supraconducteurs ou magnétiques. Dans la plupart des cas, les films sont réalisés en condensant les matériaux que l'on désire déposer à partir d’une phase vapeur sur un substrat monocristallin. Pour contrôler la croissance, il est nécessaire de comprendre comment le dépôt métallique se forme, à l’échelle atomique, sur la surface d'oxyde. Ce problème comporte deux facettes : la connaissance de la surface d'oxyde support (physique des surfaces) et le mode de nucléation-croissance du dépôt métallique sur cette surface (physique de la croissance).


Figure 1 : Surface d’alumine Al2O3 idéale, obtenue en coupant le volume selon un plan cristallographique (0001).
a) vue de dessus, b) vue de côté.

L’expérience acquise sur les métaux et les semi-conducteurs, tant d’un point de vue théorique qu’expérimental, n’était pas directement transposable aux surfaces d’oxydes, en raison d’un certain nombre de particularités :

Diverses équipes dans le monde sont parvenues à préparer des surfaces bien définies d'oxydes isolants, sur lesquelles on peut étudier la physique de la croissance d'un film métallique à l’échelle atomique.

Dans cette perspective, une équipe du SRSIM s'est intéressée à la croissance d'un film de cuivre, à partir d'une phase vapeur, sur une surface d'alumine monocristalline Al2O3. La figure 1 montre la surface idéale, qui serait obtenue en coupant le cristal selon un plan cristallographique (0001). En réalité, on observe des arrangements atomiques et des stœchiométries à la surface très différents, que l'on peut faire varier par des traitements thermiques appropriés.


Figure 2 : Représentation schématique d’une relaxation de surface (variation des distances entre plans de surface) et d’une reconstruction de surface (modification de la maille élémentaire dans le plan de surface).

Ainsi, après un chauffage à 1 400°C en présence d’oxygène, on obtient dans le plan de surface la maille hexagonale de la figure 1a, mais la distance entre les plans est fortement modifiée. La distance d1 entre les deux premiers plans est inférieure à la moitié de la distance homologue au cœur du cristal. Cette contraction est bien supérieure à la contraction ou dilatation observée habituellement dans les métaux.

Lorsque l'on soumet cette surface à un chauffage à 1 400°C sous ultra-vide, la surface s’appauvrit en oxygène et subit une ‘‘reconstruction’’ (Fig. 2).

La maille élémentaire de la surface devient très grande : son côté est multiplié par un facteur Ö31, et elle tourne de 9°.

La structure électronique de ces deux surfaces a été étudiée au SRSIM et leur structure cristallographique a été résolue en utilisant la diffraction de rayons X en incidence rasante par une équipe du DRFMC/SP2M à Grenoble.


Figure 3 : Représentation schématique du mode de croissance Cu/Al2O3
a) vue de côté
b) vue de dessus

Sur ces deux types de surfaces, on a étudié les premières étapes de la formation d'un film de cuivre, pour des quantités déposées plus faibles que l'équivalent d'une monocouche. Dans les deux cas, le dépôt se construit par ‘‘nucléation-croissance’’ d'îlots tridimensionnels, directement sur la surface, sans formation initiale d'une couche uniforme de cuivre (Fig. 3a).

Cette observation démontre la faible affinité du cuivre pour la surface d'alumine, dès la première couche déposée.

Il s’agit d’une croissance différente de celle que l’on obtient sur un substrat de cuivre (Phases Magazine n°14), où les îlots sont bidimensionnels. Pour notre étude, nous avons sondé l'environnement atomique local autour des atomes de cuivre du dépôt, par une technique d'absorption des rayons X produits par le synchrotron du LURE (spectroscopie EXAFS : Extended X-ray Absorption Fine Structure). L’EXAFS permet de mesurer la coordinence moyenne, c'est-à-dire le nombre d'atomes premiers voisins d'un type d'atome sélectionné. Dans le cuivre massif, tous les atomes ont la coordinence 12, caractéristique du réseau cubique à faces centrées (cfc). Pour de petits agrégats, les atomes périphériques sont majoritaires, si bien que la coordinence moyenne se trouve réduite. A partir des coordinences moyennes mesurées pour une surface reconstruite et pour des quantités de cuivre déposées équivalentes à 0.5, 0.6 et 1 monocouche d'atomes, nous avons respectivement déterminé des rayons moyens d’îlots de 2.5, 4 et 7 Å. La croissance du rayon moyen varie de façon quasiment linéaire avec la quantité de cuivre déposée ; ce comportement implique une diminution de la densité d'îlots et par conséquent leur coalescence (Fig. 3b).

La fraction de surface recouverte reste constante. Ce mécanisme de croissance-coalescence des agrégats de cuivre sur la surface d'alumine est analogue à celui de la formation de la buée (Phases Magazine n° 12). Le régime de croissance individuelle des agrégats, où le rayon moyen croît comme la racine cubique du temps de dépôt, se produit pour une quantité de cuivre déposée inférieure à une demi-monocouche. Au delà, s'amorce le processus de coalescence. Ces premiers résultats ouvrent tout un champ d'investigations, comme l'étude systématique des lois d'échelle de la croissance tridimensionnelle dans le domaine inférieur à la monocouche.


Pour en savoir plus :

Sur les surfaces d’alumine :
M. Gautier et al., J. Am. Ceram. Soc. 77 (1994) 323.
Sur Cu/Al2O3 :
S. Gota et al., Surf. Sci. 323 (1995) 163.
M. Gautier-Soyer et al., Phys. Rev. B, 54 (1996) 10366.

Contacts :

Martine Gautier-Soyer, Susana Gota.

Le Comité de rédaction


Phases Magazine N° 18
En avant avec les ions de recul...